Le Lalitavistara est un sûtra décrivant la vie du Bouddha Shākyamuni. L'original sanskrit, en prose, narre la vie du Bouddha depuis sa dernière existence jusqu'au premier enseignement de Bénarès. Il comprend 27 chapitres. Le Lalitavistara a été traduit pour la première fois en chinois en 318 et en tibétain au VII
e s. par l'érudit Jinamitra et le moine traducteur Yéshé dé.
Vue de l'angle sud-est et, à gauche, les 17e bas-reliefs de la première galerie (ou terrasse carrée) du Borobudur. Au registre supérieur: "Maya raconte son rêve au roi" et au registre inférieur: "Sudhana montre son adresse au tir à l'arc".
Parcourons quelques dizaines de ces panneaux.
C'est une version extraordinairement mahayaniste que nous avons ici puisque en fait, le Bouddha préexiste à sa manifestation terrestre. Il existe déjà au ciel depuis longtemps mais, sentant que le moment est venu de sauver l'humanité, il décide de venir s'incarner et l'on va assister à son incarnation. Le Lalita indien commence avec la naissance tout à fait physique et normale du Bouddha et ne présuppose pas cette prédestination qui est tellement importante.
Le début se situe dans la ville de Kapilavastu dont le roi s'appelle Shuddodhana et la reine Maya Devi. Ils vont être le père et la mère du Bouddha. A Ajanta, nous trouvons cette même scène qui représente le silence de Shuddodhana, qui est une très belle idée du Mahayana d'ailleurs. Shuddodhana adorait son épouse Maya Devi mais se désolait de ne pas avoir d'enfant et, au lieu de la répudier, au lieu de la chasser, il est entré dans un
silence total. Il était complètement impassible et c'est cette impassibilité même qui a été insupportable à Maya Devi. C'est à ce moment-là qu'elle a commencé à demander au ciel de lui envoyer un enfant d'une façon ou d'une autre, mais elle ne savait pas ce qui l'attendait, bien entendu. Ce
bas-relief est très beau : Shuddodhana est complètement hiératique, Maya Devi a une attitude entre la tendresse contenue et une espèce d'humilité, de culpabilité. C'est le fameux moment où, devant toute la cour désolée, on voit le couple royal séparé par le silence de Shuddodhana qui n'a pas de descendance.
Chose très curieuse en fait, comme dans le Christianisme, Maya Devi saura qu'elle va donner naissance à un être exceptionnel et Shuddodhana ne le saura pas, comme Marie le savait mais Joseph ne le saura que plus tard. Ce relief nous montre ce moment qui n'est pas tout à fait Annonciation mais où, déjà enceinte, elle se repose dans son palais à la campagne. En effet, le couple s'est séparé et Shuddodhana est resté dans son palais en ville. Maya Devi est au milieu de ses suivantes et elle dort. Elle
rêveDétail du 13e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "La reine Maya rêve qu'un éléphant blanc pénètre en son sein". Registre supérieur de la première galerie, mur est, quartier sud-est du Borobudur
obsessionnellement de l'apparition d'un éléphant miraculeux lequel, suivant les pays et les textes, peut être un éléphant blanc ou un éléphant à six défenses ou un éléphant à quatre défenses, ce qui n'a aucune importance. C'est un éléphant tout simplement, symbole de la force même d'une dynastie. Donc Maya Devi sait déjà dans son coeur qu'il va se passer quelque chose et, en fait, elle sait qu'un jour elle va donner naissance à un être d'exception. Nous voyons ici le
petit éléphant qui flotte dans les airs, posé sur des lotus. Pour bien marquer l'importance du rêve, on a mis au-dessus de lui le chhatra, c'est-à-dire le parasol, symbole royal et impérial.
Dans une civilisation , encore très animiste, le rêve est très important. Des scènes où la reine essayera de savoir quel est le
sens de son rêveDétail du 17e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "la reine Maya raconte son rêve au roi". Registre supérieur, 1ère galerie, mur sud, quartier sud-est du Borobudur
sont donc tout à fait normales ici, alors qu'en Inde , on ne les traite jamais. Chaque pays adapte le Lalita selon sa culture. Mais la représentation du palais est très intéressante parce qu'elle nous permet d'admirer
l'architecture palatialeDétail du 54e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha reçoit 3 palais du roi son père". Registre supérieur du mur ouest de la première galerie, quartier sud-ouest du Borobudur
dont nous n'avons plus aucun témoignage, puisqu'elle était de brique et de bois, mais à Borobudur elle est transcrite dans la pierre de
l'architecture religieuse.
C'est une preuve très importante.
Maya qui vit une grossesse paradisiaque n'a qu'un désir, celui de donner naissance à son enfant en dehors de la ville. Elle choisit un jardin qui lui appartient en propre, que le roi lui a donné, et c'est dans le jardin de Lumbini que, selon la saga bouddhique, naîtra le futur Bouddha. Le
départDétail du 27e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "La reine Maya se rend au jardin de Lumbini". Registre supérieur de la première galerie, mur sud, quartier sud-est du Borobudu
de la reine sur son grand char pour
LumbiniDétail du 27e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "La reine Maya se rend au jardin de Lumbini". Registre supérieur de la première galerie, mur sud, quartier sud-est du Borobudu
est un des bas-reliefs clés.
Selon le Lalita original, le Bouddha va naître dans la 17e heure qui a suivi l'arrivée de la reine à Lumbini, comme s'il avait senti qu'il était à Lumbini. Effectivement, 17 heures après son arrivée, la reine Maya Devi a été prise de douleurs et là le Lalita nous dit quelque chose de très beau : elle a senti des douleurs dans sa poitrine et non pas dans son ventre. Oppressée, pour reprendre son souffle, elle s'est
accrochéeLe détail montrant la reine Maya se tenant à l'arbre du 28e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "La reine Maya donne naissance au jeune Siddhârtha". Registre supérieur de la première galerie, mur sud, angle sud-est du Borobudur.
à une branche d'arbre et son flanc s'est ouvert. Et lorsque le bébé est arrivé par terre, il s'est immédiatement dressé et a accompli quatre pas vers les quatre points cardinaux, et à chaque pas, une fleur de lotus est née.
Le lotus central, là où il est tombé, et les quatre autres aux quatre points cardinaux forment les cinq lotus de la révélation du Bouddha. C'est très intéressant parce que cela nous montre que dans le Bouddhisme, on veut marquer la prédestination du Bouddha dès l'instant même où il apparaît sur terre. On trouve tout de suite cette fameuse notion des cinq points qui deviendront les cinq paradis du sage. Les Indiens représentent très souvent la reine Maya Devi accrochée à un arbre, par exemple à Ajanta, à Ellora, et également les Birmans, par exemple dans le temple Ananta de Pagan. Par contre, c'est très rare que les pas du Bouddha soient représentés. C'est donc une
représentation
assez exceptionnelle et c'est dommage qu'elle soit en si mauvais état.
Le détail montrant les Dieux venant rendre hommage au Bodhisattva, 32e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. Registre supérieur de la première galerie, mur sud, angle sud-ouest du Borobudur.
Sans entrer dans les détails, il faut savoir que Maya Devi est morte une semaine après avoir donné naissance au Bouddha qui donc n'aura jamais de mère. Il aura une sorte de tutrice-nourrice, sa tante Gaotami. L'introduction de cet épisode dans le Lalita est très amusante, car elle résulte du fait que les Hindouistes ont replaqué toutes les légendes de leur mythologie concernant les bébés divins sur le Bouddha dans les bras de Gaotami, par exemple celles sur l'enfance de Krishna qui rappelle énormément les légendes de Hercule-enfant dans notre mythologie. D'ailleurs l'histoire du serpent étouffé existe aussi dans les Veda.
Un autre bas-relief montre des rites de
fiançaillesDétail du 51e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha dans son palais avec ses amis et Yashodhara sa première épouse... il se réjoiut avec ses parents et amis". Registre supérieur du mur ouest de la première galerie, quartier sud-ouest du Borobudur. Jogjakarta, Indonésie
qui sont strictement indonésiens et pas du tout tributaires du Lalita classique. Or, il s'agirait en fait de rites prénuptiaux comme dans nos contes de fée. Lorsqu'un bon prince épouse une belle princesse, il doit vaincre tous les autres d'abord, ce qui est aussi connu chez nous. De la même façon, pour épouser cette princesse gupta, Bouddha est astreint à de multiples épreuves comme le
tir à l'arcDétail du 49e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Encore prince, Siddhârtha s'exerce au tir à l'arc". Registre supérieur de la première galerie, mur ouest, quartier sud-ouest du Borobudur
, etc. Autre épisode de pure force : le meurtre d'un éléphant par un prince qui d'un seul coup de pied tue l'éléphant alors que le Bouddha l'envoie par-dessus l'enceinte de la maison. Tout le monde applaudit et ils se marient. En fait, chose extraordinaire, c'est un jataka.
Rappelons que Jataka est un mot qui désigne toutes les légendes qui sont tributaires de la vie des Bouddha antérieurs, des Bodhisattva donc. Dans les écritures boudhiques d'une Indonésie fraîchement bouddhiste, ce chapitre-là concerne une histoire antérieure au Bouddhisme qui est entrée de plain-pied dans l'histoire du Bouddha, ce qui montre bien la difficulté qu'ont eu les différents pays gagnés par le Bouddhisme a être vraiment orthodoxe.
Il y avait beaucoup d'erreurs possibles, et celle-ci est plus que manifeste. L'histoire de percer d'une seule flèche sept arbres est en fait une histoire hindouiste qui concerne la jeunesse de Arjuna, l'un des héros du Mahabharata, qui a ainsi prouvé sa force à son propre père. Il s'agit donc à nouveau de récupération. C'est pourquoi il est important, dans un premier temps, de ne regarder que les choses essentielles afin d'avoir une vision cohérente.
Et voici le fameux moment que l'on trouve dans presque tous les Lalita : en l'emprisonnant dans le
luxe et la facilité
la plus extraordinaire, le père du Bouddha essaie de le retenir ici-bas. On sent cette prédestination on ne sait pas très bien vers quoi, mais on sent qu'il va échapper à l'ordre humain. On voit la présentation au prince des concubines royales renversées dans ses bras. L'une d'elles est en train de se regarder dans un
miroir
. Il est très étonnant de retrouver ce même groupe de trois personnes en peinture à Ajanta. C'est un pur hasard et c'est assez étonnant, mais nous sommes toujours un peu dans les marges du Lalita.
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e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Lors de sa première sortie du palais, le prince Siddhârta (Bouddha) rencontre un vieillard". Registre supérieur de la première galerie, mur ouest, quartier sud-ouest du Borobudur. Jogjakarta, Indonésie
Les trois ou quatre bas-reliefs qui suivent représentent la prise de conscience par le Bouddha de l'immensité de l'humanité. Le Bouddha avait reçu une éducation complètement fausse car son père avait interdit de lui montrer un vieillard, interdit de lui apprendre qu'il y avait la maladie, la décrépitude et la mort. Il vivait dans cet espèce de privilège qu'était la vie d'un jeune prince enfermé dans son palais. D'après le Lalita classique, c'est en sortant fortuitement du palais que le Bouddha va faire trois rencontres fondamentales. Et c'est un point très important : dans tous les Lalita du monde, depuis Datong au fin fond de la Chine jusqu'à Borobudur, au fin fond de l'Indonésie, ces trois rencontres sont toujours indiquées dans le même ordre. La première rencontre que fait le Bouddha est celle de la pauvreté. Il faut se souvenir que le Bouddha n'a jamais connu le pouvoir de l'argent. Donc, première découverte,
un mendiant
. La deuxième rencontre est celle de la
maladie
qui est représentée ici par cet être squelettique. Jamais le futur Bouddha n'avait su qu'on pouvait être malade, cela n'existait pas dans son éducation. Le troisième choc, peut-être le pire, c'est la mort car il faut s'imaginer que le Bouddha, arrivé à l'âge quasiment adulte, n'a jamais eu conscience de la mort. Et tout à coup il voit l'un de ses semblables inerte, qu'on le lave, qu'on le met dans un suaire. La découverte de la mort est une chose absolument effroyable et ce troisième choc sera donc le choc décisif. Il est toujours représenté sur son même char puisque tout s'est passé dans la même journée selon le Lalita.
Pauvreté
,
maladie
et
mort
sont des chocs qu'il ne peut pas comprendre évidemment. Il devra demander à un saint homme, à un ermite, de lui expliquer les trois tares dont il vient de prendre conscience. Et nous voyons ici un
brahmane
qui lui explique l'inéluctable fait que tous, on sera malade une fois, tous, on vieillira une fois et tous, on mourra une fois. Le brahmane consulté lui a dit que c'est le destin de tout être et a ainsi éveillé en Bouddha le besoin de faciliter chez autrui ces fameux passages initiatiques que sont la maladie, la vieillesse et la mort. Donc il a décidé de se donner à l'humanité pour en fait faciliter ces passages, et pas du tout pour supprimer la maladie, la vieillesse et la mort comme l'expliquent neuf auteurs occidentaux sur dix. Le Bouddha n'a jamais dit cela mais on le lui fait dire.
Détail du 65e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha quitte la palais escorté par les dieux qui soutiennent les pas de son cheval". Registre supérieur du mur ouest de la première galerie, quartier nord-ouest du Borobudur.
Le Bouddha veut partir, quitter son monde mais on l'en empêche. Selon le Lalita, il a dû partir
clandestinementDétail du 64e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Bien que surveillé, Siddhârtha veut quitter le palais, les gardes dorment, son cocher Chandaka lui amène son cheval Kanthaka". Registre supérieur de la première galerie, mur ouest, quartier nord-ouest du Borobudur.
de son palais. Il a fait préparer son cheval, on a
emballé les sabotsDétail du 65e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha quitte la palais escorté par les dieux qui soutiennent les pas de son cheval". Registre supérieur du mur ouest de la première galerie, quartier nord-ouest du Borobudur.
du cheval pour éviter tout bruit, on a endormi les sentinelles et le Bouddha est parti. Dans les premiers Lalita qui nous sont racontés, ce sont les quatre vents du Nord, du Sud, de l'Est et de l'Ouest qui ont porté les sabots du cheval. Pour les amateurs de mythologie comparée, c'est très intéressant parce qu'en fait tous les salvateurs sans exception partent sur un cheval volant. C'est une des grandes constatations qu'a faite notamment Mircea Eliade. Persée lorsqu'il va délivrer Andromède, et par là même conjurer la malédiction des démons, arrive sur un cheval volant. C'est une scène importante qui est traitée dans tous les grands sites bouddhistes classiques depuis Datong en Chine, par exemple, jusqu'au Palais de Bangkok où nous est racontée la vie du Bouddha.
Détail du 67e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha (Bouddha) coupe ses cheveux, insigne de sa caste noble". Registre supérieur de la première galerie, mur ouest, quartier nord-ouest du Borobudur.
Mais il ne faut pas croire que les aventures du Bouddha en seront facilitées pour autant. En fait, lorsqu'il va descendre de cheval et prendre pied dans le monde, le Bouddha va être confronté à son
propre destinDétail du 66e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Bouddha renonce au monde et renvoie les dieux qui l'avaient assisté". Registre supérieur, 1ère galerie, mur ouest, quartier nord-ouest du Borobudur.
. C'est l'un des grands moments de la catalyse du Bouddha. Quand le Bouddha descend de son cheval au milieu d'un village, avec cette idée merveilleuse mais naïve qu'il pourra sauver l'humanité, les habitants du village tombent prosternés à terre croyant qu'il vient en parade. Personne ne veut l'écouter, on ne veut que le saluer et le célébrer. Le Bouddha sera astreint à quitter ses vêtements devant les villageois stupéfaits puis, comme cela ne suffit pas et que les gens restent prosternés,
à
couper ses cheveuxDétail du 67e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha (Bouddha) coupe ses cheveux, insigne de sa caste noble". Registre supérieur de la première galerie, mur ouest, quartier nord-ouest du Borobudur.
car les cheveux longs étaient le privilège des aristocrates, ce qu'il fait avec son épée. Et comme cela ne suffit toujours pas, sacrifice suprême, il enlève ses boucles d'oreilles. En Orient, le droit de porter les pendants d'oreilles dynastiques est le symbole d'une lignée royale, c'est même plus important que la couronne ou le sceptre. En enlevant ses pendants d'oreilles, le Bouddha quitte toute identité. Il se dépare de tout et dès l'instant où il n'aura plus ni vêtements ni cheveux ni boucles d'oreilles et où il sera vraiment nu devant tout le monde, les villageois se relèveront et pourront l'écouter. Ce n'était pas possible autrement, quoi qu'il dise, car telle est la force de l'atavisme social en Orient et en Inde en particulier. Mais c'est une scène qui est très rarement représentée.
Et chacun se souvient que si le Bouddha est toujours représenté avec des lobes d'oreilles distendus, c'est pour rappeler qu'il avait le droit de porter des boucles d'oreilles, mais qu'il y a renoncé volontairement.
Le Bouddha va mener la vie des gens que l'on appelle sadhu en Inde. Il va partir dans
la forêt et méditer sur le monde pour pouvoir ensuite apporter le fruit de sa méditation pour le salut des autres. Cette scène est aussi représentée dans le stupa de Sanchi, dans les grottes d'Ajanta, dans les bas-reliefs d'Ellora.
Il est parti au milieu des autres sadhu et s'est astreint à l'ascèse totale. En règle générale, on nous le montre amaigri d'épisode en épisode jusqu'à devenir comme un squelette dans les bas-reliefs du Gandhara dont les artistes aimaient ce type de représentation un peu expressionniste. Toujours est-il qu'il a maigri comme les autres sadhu jusqu'au jour où il a pris conscience de la vanité de l'ascèse et que de vaincre son propre corps était en fait le comble de l'orgueil. Vaincre son propre esprit était aussi le comble de l'orgueil car il faut tout simplement vivre pour pouvoir donner et non pas s'astreindre à une pseudo-mort.
Il a compris l'orgueil de l'ascète et c'est à ce moment là qu'il a accepté le premier bol de soupe ou de lait d'une femme qui s'appelle Sudjata. Donc il accepte de se nourrir et c'est à ce moment là qu'il connaîtra l'Illumination.
Détail du
86e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddartha Gautama (Bouddha) se baigne dans la rivière Nairanjana". Registre supérieur, 1ère galerie, mur nord, angle nord-ouest du Borobudur.
Siddartha Gautama se rend au bord de la Nairañjana, se baigne dans la rivière. C'est un moment important puisque nous sommes au moment où le Bouddha va de nouveau naître c'est-à-dire qu'on arrive au moment où il va connaître le pouvoir de la parole à Sarnath, l'éveil de la Loi à Sarnath. Et c'est toujours à ce moment-là qu'on représente la traversée du fleuve qui est un acte initiatique dans toutes les religions du monde préparant une renaissance, à la dernière naissance, celle du Verbe.
On se souvient que le Bouddha a connu l'Illumination dans la ville de Bodgaya. Ce jour-là, alors qu'il méditait comme tous les jours, le Bouddha connaîtra ce miracle qu'il est le seul à avoir connu : l'harmonie intérieure s'est faite en lui et il a reçu la Lumière divine. "Bodhi" signifie la Lumière de la Connaissance pour les Indiens qui l'ont dès lors nommé le Bouddha, l'Illuminé.
C'est un moment capital dans la vie du Bouddha, moment qui est considéré comme sa deuxième naissance.
94e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Alors que Siddhârtha médite sous l'arbre pippal, les hordes de Mâra, la Mort l'assaillent". Registre supérieur de la 1ère galerie (ou terrasse carrée), mur nord, quartier nord-est du Borobudur
Détail du 94ebas-reliefs: Mâra
Le panneau de la tentation du Bouddha est primordial. Exactement comme le Christ, le Bouddha a été tenté par les dieux qui ne supportaient pas qu'un humain soit si pur. On dit que c'est Mâra, le démon de la tentation, qui est venu. Mais en fait, selon le Lalita classique, ce sont les dieux. Ils ont tous essayé, Shiva, Vichnou, Indra, Suria, etc. Jamais ils n'ont pu fléchir l'immobile et splendide silence du Bouddha en pleine méditation. Les dieux sont représentés avec de multiples bras portant de nombreux attributs : la roue de Vichnou, le grand sabre recourbé de Shiva, la hache de Durga, etc. Les dieux essaient de tenter le Bouddha mais n'y parviennent pas. Or ce panneau représente en fait la première icône du Bouddhisme, la plus ancienne et la plus vénérable car elle montre encore les dieux hindouistes. Dans les grottes de Bhaja en Inde, sculptées au 2
e s. avant J.-C., on voit dans une niche le Bouddha entouré d'un côté par Suria et de l'autre côté par Indra. C'est exactement le même sujet et c'est émouvant de constater que l'iconographie demeure absolument traditionnelle bien qu'il se soit passé pas mal de siècles, 1100 ans pour être tout à fait exact.
Pour tenter le Bouddha, Mâra a tout fait et a même envoyé ses
fillesDétail du 95e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Siddhârtha médite et les filles de Mâra tentent de le séduire". Registre supérieur du mur nord de la première galerie, quartier nord-est du Borobudur.
, scène que l'ont voit aussi à Ajanta. Mais le Bouddha ne s'est pas laissé distraire.
Détail du 118e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Ses anciens compagnons quêtent son enseignement". Registre supérieur de la première galerie, mur est, quartier nord-est du Borobudur.
C'est la fin de l'histoire, 120e panneau de la première galerie
Petit résumé des 120 panneaux:
Le Bodhisattva (futur Bouddha) apparaît tout d'abord avant sa naissance dans le ciel Tushita (panneaux 1 à 7). Nous voici maintenant sur terre, dans le palais du roi Suddhodâna, avec celle qui sera sa mère, la reine Mâyâ-devî (8 et 9). Le futur Bouddha quitte le ciel Tushita accompagné par diverses divinités (10). Il descend sur terre (12) et entre dans le sein de sa future mère sous la forme
d'un éléphanteau blanc, phénomène qu'applaudissent les divinités (13-14). La reine Mâyâ se retire dans un jardin ombragé par des arbres Ashoka et fait un rêve (15-17) qu'un brahmane interprète (18-19). Les panneaux 20 à 24 nous décrivent le palais divin et nous montrent la reine Mâyâ enceinte, ainsi que divers miracles survenant avant la naissance (25) du futur Bouddha. La reine Mâyâ, alors que selon la coutume elle se rend chez ses parents pour enfanter, est prise de douleurs en arrivant dans le jardin de Lumbinî (26-27). C'est là qu'elle donne naissance au petit Siddhârtha Gautama (28-29). Mais la reine meurt sept jours plus tard. Sa sœur, Prajâpatî, se charge alors d'élever le jeune prince (30). Des sages, nommés Asita et Nârada, arrivent au palais de Kapilavastu et prédisent au roi que son fils deviendra un roi Chakravartin ou un Bouddha (31). Les dieux rendent alors hommage au jeune prince (32). Le futur Bouddha, ayant grandi, visite un village (39). Il s'assied sous un arbre jambosier (40). Le moment de ses fiançailles avec la princesse Yashodharâ (41) est venu. Le jeune prince mène alors une vie fastueuse et fait l'apprentissage de son métier de roi (40 à 49). On le voit vivre dans ses différents palais (50-55), se promener dans le parc (56-59) et parmi ses femmes (60). Vient le jour où il demande à son père la permission de renoncer à la vie mondaine (61), ce qui ne lui est pas accordé. Il est confié à la garde de ses femmes et des courtisans (62). Mais une nuit, profitant du sommeil des femmes et de ses gardes (63), il demande à son palefrenier de lui amener son cheval blanc et quitte le palais (64). Le futur Bouddha renonce alors au monde et se fait chercheur de vérité (65-69). Sa recherche le conduit à rencontrer différents maîtres, parmi lesquels Arâda-Kâlâma (70). Le roi Bimbisâra du Magadha vient lui rendre visite à son ermitage (74). Il continue sa vie ascétique sous la direction du sage Rudraka-Râmaputra (75) et s'entraîne en compagnie de cinq autres ascètes sur les rives de la rivière Nairanjanâ (77). C'est alors que sa mère défunte, la reine Mâyâ, devenue un être céleste, vient lui rendre visite (78). Gautama décide d'interrompre son ascèse. Une jeune femme, Sujâtâ, du village d'Uruvilvâ, lui apporte de la nourriture (81-84). Il va se baigner dans la rivière Nairanjanâ (85-86). Le jeune Gautama atteint alors à la Bodhi (à l'Éveil) en méditant sous l'arbre pippal à Bodh-Gayâ, devenant ainsi un Bouddha (90-95) après avoir victorieusement repoussé les tentations du démon Mârâ (94-95). Il est vénéré par les divinités (96-98) et demeure pendant sept jours en samadhî ou extase (99) avant de pratiquer le chankrama ou marche méditative,
qui fait partie des exercices de concentration (100). Le roi des Nâga (serpents), Muchilinda, lui fait de son capuchon à sept têtes une ombrelle et de ses anneaux un haut siège afin de le protéger de la pluie et des eaux ruisselantes (101). Le Bouddha rencontre d'autres ascètes (102) puis deux marchands, Tarapusha et Bhallika (103-104), tandis que des divinités gardiennes des horizons (Devarâja) lui offrent son bol à aumônes (105). Les dieux du panthéon brahmanique lui demandent alors de révéler au monde sa Doctrine ou Dharma (106-107). Le Bouddha quitte Bodh-Gayâ et se rend à pied à Vârânasî (108-116). Il rencontre ses cinq anciens compagnons dans le parc des Gazelles à Sarnâth (117-119) et leur délivre son premier sermon (120).
Ref:Borobudur, Jean-Louis Nou/Louis Frédéric - Imprimerie nationale Editions, Paris 1994
. Il représente le moment où à
SarnâthDétail du 119e des 120 bas-reliefs de la vie du Bouddha. "Il est ondoyé par ceux qui deviennent ses disciples". Registre supérieur de la première galerie, mur est, quartier nord-est du Borobudur
, avec la bénédiction des dieux, le Bouddha fait son premier grand sermon, accomplissaant sa troisième naissance, la naissance au Verbe. Il pourra alors enseigner et, chose assez étonnante, à partir de moment-là, on ne nous raconte plus le message du Bouddha dans sa vie quotidienne car tout est contenu dans les Soutra.
Au fond, ce qui nous est raconté dans le Lalita du Borobudur, c'est tout ce qui précède l'éveil à la parole, c'est-à-dire les trois premières naissances du Bouddha : sa naissance physique à Kapilavastu, sa naissance à la Lumière Bodgaya et sa naissance au Verbe à Sarnath.
Et la dernière naissance, la naissance absolue, la mort pour nous, le Purinirvana ne nous est pas montré. Le Lalita se termine avec le moment où le Bouddha peut parler puis les Soutra prennent la suite.
Tout ceci est un document absolument exceptionnel. Alors, de la première galerie où nous sommes, montons maintenant d'une traite tout en haut, à l'Un, à l'Unique.