Le travail du sculpteur est étrangement complexe: à la fois d'un extrême raffinement dans le détail, et d'une grande maladresse dans le traitement général de la forme. L'oreille est finement ourlée, la perruque savamment ordonnée, mais les bras sont trop longs, la taille trop courte et les jambes abusivement épaisses. Ces quelques constatations nous permettent d'approcher la personnalité même de I'artiste : un homme qui bénéficiait d'une solide formation, mais à qui il manquait cette grâce naturelle qui voulait qu'aux grandes époques une oeuvre ne flt jamais montre de la moindre défaillance.
A ce premier palier, nous pouvons faire déjà le point: nous avons affaire à une statue de femme de très petites dimensions, taillée dans un matériau grossier par un artiste habile, mais manquant résolument de génie. A la lumière de ces premières données, nous allons essayer de dater l'oeuvre: il est une période où l'on a préféré aux grandes figures d'antan les statuettes de petite taille, et où l'inventivité de l'artiste a été supplantée par l'habileté de l'exécutant: la Basse époque (XXIe-XXXe dynasties, soit 1085-333 av. J.-C.), et plus particulièrement les XXVe et XXVIe dynasties, dites saïtes (751-525 av. J.-C.).
Un examen plus détaillé du style même nous confirme dans cette hypothèse: l'attitude archaisante de la figure, sa raideur, son caractère conventionnel, témoignent de cette tentative de retour au langage plastique des premières dynasties, ce passéisme délibéré qui, pendant près de deux siècles, fut le fondement même de l'esthétique égyptienne. Notre inconnue n'est pas sans rappeler les porteuses d'offrandes des mastabas memphites, ou certaines épouses des fonctionnaires qui s'illustrèrent sous les règnes des Sahouré, des Téti ou des Pépi (Ve et VIe dynasties, 2565-2265 av. J.-C.).
Mais sur le plan plastique, il y a autant de distance entre notre dame et ses illustres ancêtres qu'entre le néo-gothique de Charles X et les grandes cathédrales. L'analogie n'est pas forcée, car sous Psammétique Ie comme sous Charles X, le prestige du Trône et de l'Etat était à ce point terni qu'il fallut recourir aux modèles du grand passé pour revigorer un système devenu caduc. Ce besoin désespéré de se rallier aux heures gloneuses pour se justifier dans ses prérogatives est l'un des traits les plus significatifs de l'école dite néo-memphite.
Nous avons atteint ainsi un deuxième palier: notre statuette est à situer de façon presque certaine entre la XXVe et la XXVIe dynasties, et appartient à la production des ateliers saites. Et si nous essayions d'aller plus loin? Serait-il possible de découvnr maintenant la fonction, voire le nom de la dame ?