
"Plus secrètement, les abbés, les évêques, les archevêques, de lignée princière le plus souvent, ont offert à Dieu et à leurs fidèles des palais où la Foi s'exprime en termes d'extase et de volupté."
Truus et Philippe Salomon-de Jong, février 1997.
sur un crâne de Georges de la Tour. Ou La Madeleine en méditation due à l'école napolitaine du début du 17e siècle. Cette école du silence va essaimer littéralement, après Caravage, à travers toute l'Europe.
, l'un des rares grands sujets de l'épopée christique traité par le maître vénitien. Nous sommes ici à rebours de tout ce qui a précédé. C'en est fini du clair-obscur essentiel, c'en est fini de l'immobilisme, c'en est fini du silence, c'en est fini de cette forme de confidence primordiale entre le spectateur et le silence de l'oeuvre. Nous sommes devant quelque chose qui vit à soi seul, qui s'exalte à soi seul, qui danse et chante à soi seul.
Regardez toutes les lignes montant jusqu'au sommet du Golgotha. Regardez même les couleurs! Ces rouges, ces bleus, ces blancs, ces ors, ces jaunes, ces chairs et leurs variations: elles aussi montent jusqu'au Golgotha! Voyez la façon dont Tiepolo littéralement s'amuse avec l'espace. Tout cela est fondamentalement scénique. Ce tableau, à l'opposé d'un Caravage, d'un Meylan, d'un Guido Reni, d'un van der Werff ou d'un Piazzetta, nous introduit dans ce rococo pictural.
aux portes de Turin. Nous la considérons comme l'un des premiers manifestes du rococo. Seulement trois ans plus tard, en 1720 à Würzburg, l'architecte Neumann commence à travailler à la résidence du prince-évêque Carl-Philipp von Greiffenclau. Il n'y a donc pas trois ans entre le premier modèle turinois et l'application (appelons-la bavaroise) de Würzburg.
C'est une preuve déjà, et une preuve parlante, de cette ouverture des frontières qui marque tellement le 18e siècle. Quatre ans plus tard, en 1724, cette fois-ci à Vienne, le prince Eugène se fait construire une gigantesque et somptueuse résidence. Il en confie le chantier à l'un des plus grands architectes du temps: Hildebrandt
Dans les rôles principaux et dans l'ordre d'apparition.


pour Würzburg. Mais lorsqu'on n'est pas roi et même pas prince, mais qu'on veut être à la mode, on fait appel à ce qui reste. C'est-à-dire aux élèves. Ou aux élèves des élèves. Ou aux élèves des élèves des élèves...les routiers de l'art. C'est-à-dire à ceux qui n'ont pas tout à fait d'atelier fixe mais louent leurs services à travers les routes de l'Europe. Le rococo va donc se répandre avec cohérence d'un bout à l'autre du monde essentiellement grâce à ces routiers de l'art qui travailleront moins pour les grands de ce monde que pour les bourgeois enrichis qu'ils vont habituer petit à petit à ces formes extravagantes du rococo.
sera, personne ne sait pourquoi, le lieu où tous ces routiers feront escale.
, l'église a été à son tour transformée: au dessus du maître-autel un artiste, certainement italien, a peint dans un vertigineux contre-haut une sorte de pastiche du baldaquin de Saint Pierre. Oberammergau se trouve donc être à la mesure même de la plus grande basilique du monde chrétien: il a son petit Saint Pierre! Et comme naturellement il faut jouer avec les matières, la fresque ne suffisant pas, on va prolonger la fresque avec du bois sculpté, avec du plâtre sculpté. On va peindre le bois et on va peindre le plâtre et ainsi on ne saura plus, au bout de quelque temps, si on a affaire à du vrai marbre ou à du faux marbre. A du vrai faux marbre ou à du faux vrai marbre. Le jeu de l'illusion, lentement, gagnera le goût, non seulement des cours, mais aussi de ces petites cités et de ces petits villages de la Bavière du 18ème siècle. D'un bout à l'autre de la Bavière, de la Bavière des princes à la Bavière des paysans, le rococo va essaimer à travers les moindres vallées.
, la résidence dans laquelle il a pu faire venir le maître Tiepolo de l'autre bout du monde, c'est à dire de Venise, pour créer le décor! L'abbé Rupert Neß d'Ottobeuren était riche, lui aussi. Il va entreprendre la reconstruction de l'église de son abbaye. L'église d'Ottobeuren
est considérée aujourd'hui , sur le plan européen, comme l'un des plus fabuleux exemples de rocaille que l'on puisse voir en Occident.
a été construite par eux. Et même par une curieuse et assez rare alliance de paysans et de bourgeois... C'est Steingaden et les fermes de die Wies qui ont construit l'église parce qu'à une époque où l'on était très près des grands monastères, les bourgeois savaient très bien quand vendre leurs terrains. Les paysans très bien quand les racheter! Et de l'un à l'autre on obtenait une société qui petit à petit devenait assez riche pour s'offrir une église. Et pour cela tous les moyens étaient bons. L'église devait être la plus belle, la plus riche.
, est donc due à ce marchandage entre les moines de Landsheim et l'évêque de Bamberg. Dernier exemple: les moines d'Andechs
avaient un houblon qui faisait la meilleure bière d'Allemagne. Manque de chance, personne ne l'achetait. Que faire quand on a une production de 20.000 hectolitres de bière par an? On s'offre une église de pèlerinage pour faire affluer les gens!
en tirant un trait et ce trait c'est le pont! Cette grosse architecture de bois, avec de lourdes ténèbres dessous, c'est un peu l'exorcisme du buffet d'orgue permettant de reprendre le motif un peu en dessus avec cette consécration de l'église.
absolument étourdissants, placés sur des buffets marquetés d'une qualité d'incrustation et d'une audace d'invention incroyable.
est un des plus beaux exemples de trompe-l'oeil de marbre et de bronze. Assis à la chaire, les figures des quatre évangélistes dans un auréolé d'anges. Le tout se dissout dans l'admirable dais de la chaire. Là semble vraiment passer le souffle de l'esprit divin. Les pompons, les guirlandes sont mis en mouvement par l'esprit saint qui agite ses ailes au-dessus du prêtre disant sa messe.
frappe par l'audace du déséquilibre, par l'audace de la mise en situation, par l'audace des drapés mais aussi par l'émotion des visages. En plus une beauté et une qualité de polychromie: du plus haut chef-d'oeuvre! L'étonnante Pietà nous montre un Christ énorme et une Vierge si fragile que marque sur son visage l'une des émotions rococo des plus étourdissantes.
(elle s'appelait ainsi) a demandé à l'aubergiste de lui donner le Christ. Et elle est repartie avec son Christ sur un petit char en bois jusqu'à die Wies.
a l'étrange forme d'un rognon, pourrait-on dire. A l'intérieur, une partie ovale où sont reçus les fidèles avec à gauche une chaire et à droite une tribune de chantre.
est en profondeur. Il a été dessiné par Zimmermann et en grande partie conçu par Sturm. On y retrouve le Christ flagellé à qui l'on doit l'église. Dans l'église, formée d'un grand ovale largement ouvert, Zimmermann fait de partout jaillir la lumière et exorcise sans cesse l'ombre. C'est l'anti-baroque par excellence. Le baroque qui crée l'ombre pour mieux mettre à l'évidence le message de Dieu qui lui-même est la lumière. Le rococo exorcise l'ombre de façon à mieux faire jaillir, comme en stéréophonie, le message de Dieu.
De l'endroit d'où vient la lumière, part une série d'arcs soustendus (arcs et arcs en trompe-l'oeil, un jeu de volutes d'arcs amples et en creux) créant un délire formel des plus surprenants. Toutes les recettes que Zimmermann avait inventées au cours de sa carrière sont ici appliquées comme une sorte de testament ultime. Tous les volumes qui se prennent et se reprennent ici sans cesse, sont évidents aussi dans le décor. Dans les peintures, les sculptures et les bas-reliefs nous retrouvons ce jeu de pleins et de vides qui sont vraiment en perpetuum mobile.
<7a> sur la partie centrale retient la tempête de ces conques et écumes de bois doré et argenté dans lesquelles semble se perdre les putti.
témoignant de l'importance que l'on accordait à la musique. Dominikus Zimmermann, dans le souci de créer une cohérence plastique en son église, est allé jusqu'à dessiner les bancs des fidèles. On y retrouve les même conques et les même rythmes que dans toute l'église. Aux quatre points cardinaux de l'église dominent quatre figures. Ce sont les pères de l'église qu'a sculpté Anton Sturm pour Dominikus Zimmermann. Chacune mesure 2,90 mètre de hauteur. Dans cette église, qui est déjà une église de la perpetuum mobile, ces quatre figures, au lieu de retenir l'église, lui donnent l'allure d'un vaisseau dont les voiles se gonflent. Die Wies c'est le vaisseau de la foi et les voiles de ce vaisseau ce sont les robes des quatre pères.
L'un des plus beaux est Saint Jérôme
représenté avec le livre mais aussi avec le crâne de sa méditation. C'est le dernier qu'a sculpté Sturm et certainement le plus abouti.
Die Wies, perdue dans sa petite vallée, est comme le souffle exacerbé de la foi poussant le vaisseau de l'église!
. La croisée du transept est occupée par quatre grands piliers dans lesquels on a logé les momies des quatre saints patrons d'Ottobeuren. L'ensemble de sa fresqueture
est grand, l'architecture et la peinture y sont utilisées grandiosement, mais l'on n'y retrouve pas le ton et la beauté de die Wies où il y a comme un souffle évanescent. A Ottobeuren on ne le retrouve qu'à l'instant où on s'arrête de regarder l'ensemble pour ne saisir que le détail. Et cela plus précisément dans les stucs! Juste quelques mots pour vous en convaincre.
que Weinmüller a recouvert de cet enduit dans lequel entrait une part importante de lait de façon à lui donner ce côté presque laqué et marmoréen et qui du coup devient surnaturel parce qu'on dirait du marbre qui vole. La stucature arrive ici certainement à son paroxysme de trompe-l'oeil, surtout servi par l'inventivité de Weinmüller. Au-dessus des fonts baptismaux un groupe sculpté nous montre le baptême du Christ. En bas un très curieux dialogue
entre un ange et un putto, le tout dans un jeu étonnant de cartouches et d'envol de nuages. Les chapelles latérales de l'église sont marquées par les figures d'anges et les grandes figures d'archanges qui sont essentiellement dues à Weinmüller et à Feichtmayr. Il faut avoir du stuc une connaissance parfaite pour oser une telle prouesse. Ces anges aux ailes étrangement déchiquetées, avec leurs mains si maniéristes, cela est impossible dans toute autre matière que le stuc. Ici nous sommes à un apogée qui ne sera jamais imité. Dans la sculpture il était très à la mode de voir une ambiguïté totale. Il paraît que les anges d'Ottobeuren étaient censés provoquer de rares émotions...
, un petit cousin du fameux prélat de Würzburg. Il était essentiellement prince et au fond assez peu abbé... Il était si peu abbé qu'il n'était jamais venu à Ottobeuren. Comme les moines d'Ottobeuren s'en plaignaient tout de même, il leur aurait concédé sa présence par le biais d'une sculpture montée sur une roulette! C'est l'une des plus saisissantes plaisanteries qu'un von Greiffenclau se soit jamais permise. Mais aussi l'une des plus saisissantes oeuvre d'art du rococo jamais créées! C'est une sorte de "trompe-la-personne"! La statue montre le prince dans tous ses attributs mondains: cuirasse, canne, épée, grande perruque, chapeau à plumes. Son regard angélique est tellement inattendu... Il était peut-être le plus rococo des prélats de Bavière!